C’est pour la classe travailleuse qu’il y a une nécessité et une urgence

De nombreuses organisations et responsables de structures militantes argentines ont publié, avant la grève du 24 janvier, une déclaration exprimant la nécessité d’une riposte du monde du travail face aux attaques sans précédent du pouvoir de Milei et des classes dominantes.

Le pays se dirige à grande vitesse vers un pouvoir ultra-autoritaire au service d’un projet politique qui ne favorise que les grandes entreprises multinationales et locales, au détriment de la classe ouvrière et des secteurs populaires. Ceci est démontré par le Décret nécessité et urgence (DNU), qui déclare « l’urgence publique en matière économique, financière, fiscale, administrative, de sécurité sociale, tarifaire, sanitaire et sociale jusqu’au 31/12/2025 ». Parallèlement, le projet de loi Omnibus ajoute l’urgence en matière de défense et de sécurité, donnant la possibilité au pouvoir exécutif d’étendre lui-même pour deux années supplémentaires (c’est-à-dire pendant toute la durée du gouvernement de Milei) la possibilité de légiférer par décrets sur les sujets les plus variés.

Une tentative autoritaire dans la forme et dans le fond

De l’élimination des conquêtes, obtenues pour le monde du travail après des années de lutte, à la modification de la loi sur les glaciers, autorisant l’exploitation minière dans les zones périglaciaires ; de l’abrogation de la loi foncière à la modification de la loi sur les forêts, de la suppression de la consultation avec information préalable pour ceux qui vivent dans des territoires qui souffrent historiquement du pillage extractiviste à la privatisation des clubs sportifs sociaux et de toutes les entreprises publiques, en passant par la criminalisation de la protestation sociale. Il s’agit donc d’une réforme constitutionnelle réactionnaire déguisée.

Ainsi, le Président de la Nation profite du discrédit du Congrès et de la politique traditionnelle pour se défaire des institutions du régime de la démocratie libérale. Il tente de concentrer les pouvoirs publics et menace de recourir à la répression et à la violence (comme dans le cas du protocole, illégal, anti-piqueteros) pour solidifier son pouvoir. Le renouvellement de la direction des forces armées renforce encore l’alignement sur les États-Unis et Israël et les prépare à un éventuel scénario plus répressif.

Une stratégie du choc en faveur de la classe dominante

En seulement vingt jours, le Président a lancé une offensive généralisée sur de larges secteurs de notre société avec un plan d’ajustement économique encore plus lourd que celui proposé par le FMI. Ce dernier refuse d’ailleurs un financement plus important et exige de recouvrer la dette illégitime et odieuse contractée pendant le gouvernement de Macri et légitimée pendant le gouvernement du Frente de Todos.

L’analyse du Plan d’ajustement, la continuité du budget 2023, le DNU et le projet de Loi Omnibus, ne révèlent presque aucune mesure ou disposition en faveur des travailleurs, mais au contraire un important transfert de revenus vers le capital le plus concentré, avec également des mesures spécifiques qui favorisent telle ou telle grande entreprise.

L’ajustement n’est payé ni par « la caste » ni par « les politiques », il retombe une fois de plus sur les retraité·es, sur celles et ceux qui vivent de leur travail, qui sont exclus de la production et de la consommation, sur les locataires, sur les petites entreprises et les commerces de proximité.

Au rythme vertigineux de l’augmentation du coût de la vie, les salaires, les pensions et les revenus populaires diminuent, tandis que le chômage, la pauvreté et la misère augmentent. Le résultat du blocage des salaires et de la récession comme prétendue recette pour stopper l’inflation est dévastateur pour la majorité, les classes populaires. Il est aggravé par une dévaluation brutale, réalisée en un seul jour, et le début de la libéralisation de toutes sortes de tarifs douaniers.

Un État autoritaire et antisocial

C’est un gouvernement qui exprime de façon ouverte les intérêts du grand capital et des classes dominantes. Le soutien de l’Association des entreprises argentines à l’austérité et à la réduction drastique des effectifs de l’État, celui de l’Union industrielle argentine et de la Chambre de commerce à la réforme du travail, comme les déclarations de la Société rurale, en disent long.

Poussé jusqu’au bout, le projet de Milei cherche à refonder l’Argentine sur la base des « lois du marché », qui donnent beaucoup plus de pouvoir aux grandes entreprises et détériorent les droits des travailleurs/ses, tout en réduisant l’État à des tâches fiscales, de contrôle social et de répression.

Pendant la campagne électorale, le gouvernement a promis plus de liberté, mais il accorde déjà une liberté totale au secteur commercial le plus concentré, tout en détruisant les libertés gagnées par le peuple au cours de l’histoire et des luttes sociales.

Le DNU se concentre sur la déréglementation économique par la modification et l’abrogation de centaines de lois1 , sur la réforme de l’État, tout en transformant les entreprises d’État en sociétés par actions, une étape vers leur privatisation.

La réforme du Droit du travail s’oppose totalement aux intérêts des travailleurs et des organisations syndicales : elle s’attaque au droit de grève dans les secteurs « essentiels » qui ne pourront plus mener de véritable grève ; elle réduit les indemnités de licenciement ; elle remet en question les conventions collectives, la « cotisation syndicale solidaire » et la gestion de la sécurité sociale par les syndicats ; elle s’attaque au congé maternité ; elle allonge les périodes d’essai, etc. Cette réforme est actuellement bloquée devant les tribunaux en raison des recours déposés par la CGT et la CTA de los Trabajadores.

Développer une mobilisation de masse

La contrepartie de ces attaques sans précédent est le développement très important de discussions et de la politisation de vastes secteurs de notre population. La réussite impressionnante du rassemblement du 20 décembre 2023, la réapparition des concerts de casseroles dans les quartiers, le succès de l’appel à manifester de la CGT le 27 décembre, mais aussi les attaques contre les organisations syndicales et les travailleurs/ses, ont exercé une pression sur les dirigeants syndicaux pour qu’ils décrètent une grève avec un rassemblement devant le Congrès national pour le 24 janvier.

Il s’agit d’un point de départ pour un plan national de lutte visant à mettre en échec les mesures d’austérité, à abroger le DNU, à empêcher l’approbation de la loi Omnibus et à empêcher toutes les réformes régressives qui, si elles étaient adoptées, nous plongeraient dans l’inconnu.

Les travailleurs et les secteurs populaires doivent prendre en main cette grève nationale. D’ici le 24, nous devons promouvoir des appels ouverts à la discussion afin de rechercher l’unité d’action la plus large pour construire la grève et un plan de lutte de grande envergure.

Les organisations, les courants politiques et les individus qui signent cette déclaration s’engagent à contribuer à la réussite de la grève par toutes les activités nécessaires et à leur portée, dans l’unité la plus large possible.

Nous savons également que nous devons nous préparer à un long combat, dans lequel la grève et la mobilisation du 24 seront une bataille majeure, mais pas la seule, ni la dernière. Nous devrons nous organiser à partir de la base, dans chaque lieu de travail, dans chaque quartier, dans chaque école. Avec nos camarades.

En avant !

En ces temps de prédominance du plus terrible individualisme, encouragé par ceux qui détiennent le pouvoir, nous devons accompagner chaque lutte de solidarité et contribuer à chaque besoin populaire. Nous devons promouvoir les assemblées, les réunions interprofessionnelles, les congrès, en d’autres termes, les organes unitaires permanents qui aident à articuler, à briser la fragmentation et à ce que les luttes de chaque secteur, si nécessaires, ne restent pas isolées. Nous savons par expérience que chaque lutte isolée est plus facilement vaincue.

Et nous avons aussi besoin de rompre le cercle tragique qui veut que ce soit toujours le peuple qui prenne les coups tandis que ce sont toujours les mêmes qui décident de l’orientation du pays. Nous devons profiter du fait que, comme cela a rarement été le cas ces derniers temps, nous discutons de politique à la base et nous nous rassemblons pour résister et débattre du type de pays dont nous avons besoin, de quelle démocratie et quelles politiques nous voulons. Les organisations et individus signataires de ce texte s’engagent à contribuer de toutes leurs forces à cette nécessité et à la lutte populaire. […]

L’avenir est plein de dangers et les prochains mois sont décisifs. En avant vers la grève générale et pour construire un plan de lutte pour vaincre le gouvernement du capital. Transformons 2024 en une année de lutte et d’espoir.

• Suspension du paiement de la dette extérieure, annulation de l’accord avec le FMI,

• Pour vaincre l’inflation, gel des prix et contrôle sur les grandes entreprises qui fixent les prix dans la production et la distribution des denrées alimentaires de base, de l’énergie et des transports,

• Récupération de la souveraineté sur nos biens communs, nos voies navigables et le contrôle du commerce extérieur,

• Récupération immédiate des salaires et des pensions. Refus des licenciements, de l’abrogation de la loi sur les loyers et les expulsions, refus de la répression et les arrestations qui attaquent les luttes populaires.

• À bas le plan d’austérité, le DNU, le protocole anti-piqueteros et le projet de loi Omnibus. Tous à la grève nationale du 24 janvier. Pour un plan de lutte jusqu’à la défaite des plans de Milei et du grand capital.

Buenos Aires, le 11 janvier 2024

Organisations politiques, sociales et culturelles :

Marabunta – Corriente Social y Política / MULCS Movimiento por la Unidad Latinoamericana y el Cambio Social / Poder Popular / CPI Corriente Política de Izquierda / ASL Acción Socialista Libertaria / Colectivo de Comunicación Contrahegemoniaweb / Colectivo Reagrupando / Emancipación Sur / FPDS – CP Frente Popular Darío Santillán – Corriente Plurinacional / Hilo Rojo – Colectivo Militante / La Fragua – Colectivo Militante / Diálogo 2000-Jubileo Sur Argentina / Propuesta Sur / OLP Resistir y Luchar / OLP Resistir y Luchar (Prisionerxs de esta democracia) / Colectivo de la revista y editorial Herramienta / Colectivo Borrador Definitivo, periodismo de clase / Agrupación Comuna Docente (La Matanza) / Desde el Pie, La Pampa / Clase Pública, colectivo de docentes universitarixs (UNLP) / El Centro Cultural y Artístico El Cántaro / La Casona de los trabajadores “José De Luca” / Corriente Docente Emancipadora en COAD UNR.

Les signatures individuelles sont disponibles sur le site Poder popular.

  • 1Sur les loyers, le montant des pensions et des retraites, la terre, la production publique sur les médicaments, l’approvisionnement, la protection de l’industrie nationale, la garantie de l’approvisionnement du marché pour les biens de première nécessité tels que l’huile, la farine ou la viande et bien d’autres.